Éloge de la culture en temps de crise – Jean-Michel Le Boulanger.

Coucou les paupiettes !

Aujourd’hui, je vais vous parler d’une lecture un peu différente de celles que vous pouvez trouver sur le blog habituellement. J’ai lu cette semaine un essai sur la culture, par le biais d’une des dernières Masse Critique organisée par Babelio. Pour ceux qui ne le sauraient pas forcément, je suis diplômée depuis maintenant un an en Histoire de l’art. J’ai réalisé un Master Recherche et la place de l’art dans la société actuelle est un sujet qui me passionne (et qui me concerne complètement puisque trouver un travail dans ce domaine est plutôt compliqué).

Publié en avril dernier aux éditions Apogée (éditions rennaises, hashtag vive la Bretagne), Éloge de la culture en temps de crise a été écrit par Jean-Michel Le Boulanger, maître de conférences en patrimoine et vice-président du Conseil régional de Bretagne en charge de la culture.

Avant de vous donner mon avis, je tiens à remercier Babelio et les éditions Apogée pour l’envoi de ce livre.

Tant d’œuvres d’art détruites, d’artistes censurés, de paroles interdites. Tant de budgets dédiés à la culture diminués, dans un monde en manque de repères. Il est temps de sonner le tocsin et d’en appeler à l’instauration d’un véritable état d’urgence, pour la création artistique et les politiques culturelles !
Il nous faut réenchanter le monde et réenchanter l’avenir. « Rallumer tous les soleils », disait Jaurès, dans son fameux discours à la jeunesse.
Les artistes, amateurs ou professionnels, les passeurs de culture, les militants associatifs, les bénévoles passionnés, oeuvrent au quotidien pour une utopie qui les dépasse.
La responsabilité des collectivités publiques est de les soutenir. Avec ardeur et sans faiblesse. Et de faire vivre les droits culturels, enjeu majeur des politiques culturelles à réinventer. 

e_loge-culture_couvhd

« L’art, c’est l’humanité au cœur de l’humain. »

Dans une première partie, Jean-Michel Le Boulanger retrace, dans les grandes lignes, l’histoire de la culture artistique démocratique. Il revient rapidement sur un certain nombre de personnalités importantes, qui ont joué un rôle essentiel dans cette histoire de la culture et qui ont permis la création artistique libre que nous connaissons aujourd’hui. Enfin.. tout est relatif. Victor Hugo, Clémenceau, Camus, André Malraux ou encore Jack Lang se sont battus, ont affirmé une position vis-à-vis de la création artistique et sur l’importance d’éduquer les citoyens. Malheureusement, de nos jours, le monde culturel (juste le monde ?) est en crise. Des œuvres sont régulièrement dégradées voire détruites, qu’il s’agisse de livres, d’œuvres d’art ou de monuments. Les budgets alloués à la culture sont constamment revus à la baisse. Les postes se font de plus en plus rares. Et pourtant, les lieux dédiés à la culture (médiathèques, cinémas, musées…) sont beaucoup plus fréquentés aujourd’hui qu’il y a cinquante ans ! C’est à n’y rien comprendre.

Le problème réside aujourd’hui dans l’acceptation des œuvres. Les gens ne comprennent pas ce qu’ils voient, ce qu’ils lisent. Ils se confortent dans l’idée que l’art est réservé à un petit groupe élitiste. Il y a actuellement un gros problème de tolérance. On n’aime pas ? On détruit. On accepte pas, on ne reconnait pas ses propres valeurs dans une œuvre ? On ne passe pas son chemin, voyons, on détruit. Il s’agit pour moi d’une forme de terrorisme, un terrorisme culturel.

« Créer, c’est résister. Résister, c’est créer. »

S’il y a bien une chose que j’ai pu constater au cours de mes cinq années d’études, c’est que l’art permet de transmettre un certain nombre de choses et de poser un regard sur des vérités qui dérangent. Ce n’est pas pour rien que de nombreuses féministes ont choisi un médium artistique (photographie, peinture, littérature, happenings théâtraux) pour partager leur point de vue, alors que beaucoup choisissaient de fermer les yeux, d’ignorer leurs besoins, leurs revendications. L’art leur a permis de faire du bruit, de faire parler d’elles et de faire progresser lentement mais sûrement la condition féminine.  Ce n’est pas pour rien que les régimes totalitaires s’empressent de museler les artistes, artistes surnommés « voix de la liberté » par l’auteur.

« L’auteur peut bousculer nos regards, et nous en avons besoin ! »

A notre époque, il convient de se demander quelle est la place de l’art dans un monde fracturé ? L’auteur souligne l’importance de faire des choix politiques et militants. Il défend la culture populaire. Nous ne sommes pas seulement un public, nous sommes également des acteurs. Nous posons un regard sur des œuvres qui questionnent notre mode de vie, notre société actuelle et qui vont remettre en perspective notre vision des choses. Jean-Michel Le Boulanger remet en cause le mode de vie contemporain, marqué par l’hyperindividualisme et l’hyperconsommation. Il y a une mutation profonde du rapport de l’individu à la société. Il faut aujourd’hui promouvoir des valeurs données par une culture qui permet le discernement, l’esprit critique face à la complexité du monde. La culture doit permettre une ouverture sur ce qui nous entoure.

« Une addition de « je » ne construit pas un « nous ». »

L’essai de Jean-Michel Le Boulanger est clair, concis. Il se lit facilement et rapidement. Il est très intéressant, particulièrement enrichissant. J’aurais aimé un peu plus d’exemples, des études de cas plus développées. Mais, à mes yeux, cet essai est à mettre entre toutes les mains, notamment entre celles de nos chers politiciens. Il faut que la France construise une nouvelle politique culturelle. Il faut redonner à la culture une place de premier ordre. L’auteur nous interpelle. Il choisit soigneusement ses mots, des mots forts qui montrent l’ampleur du drame qui touche actuellement la culture, du danger qui la guette si nous ne réagissons pas et que chacun reste dans sa bulle. Ceci fait que son livre est prenant, on se sent concernés et impliqués.
Suite à mon service civique cette année, je me rends compte de l’importance de la culture, du partage dans une société fragmentée, où certains sont mis à l’écart (inégalités sociales, précarisation, etc) et d’autres sont largement privilégiés. Il faut construire cette nouvelle politique culturelle sur un pied d’égalité. La culture pour tous est, à ce jour, une priorité et l’auteur insiste sur l’importance de « faire humanité ensemble ».
Je n’arrive pas vraiment à mettre les mots sur ce que je veux partager avec vous haha, donc je clos cet article avec une dernière citation.

« Il faut affirmer les vertus du dialogue.
Oser énoncer les richesses de la diversité.
Afficher sa bienveillance à l’égard de l’altérité.
Proclamer, haut et fort, la vitale nécessité de soutenir la liberté du geste artistique.
Proclamer, sans relâche, l’exigence de politiques culturelles ambitieuses.
Décréter l’État d’urgence non seulement au nom de notre sécurité, nécessaire à tout exercice de liberté, mais pour ces valeurs qui nous ont fondés.
État d’urgence, face aux œuvres menacées et parfois détruites.
État d’urgence, face aux budgets culturels amputés et aux acteurs culturels précarisés. 
État d’urgence, pour bâtir les politiques culturelles de demain, outil de nos émancipations. »

Bref. Un essai que je vous recommande chaudement !

A bientôt !

EnregistrerEnregistrerEnregistrerEnregistrer

EnregistrerEnregistrer

Publié par

Ibidouu

Petite chose à la recherche d'un avenir.

30 réflexions au sujet de “Éloge de la culture en temps de crise – Jean-Michel Le Boulanger.”

  1. Babelio permet de faire de chouettes découvertes ! En tout cas, cet essai m’a l’air très intéressant ! Je ne suis pas une grande lectrice de non-fiction, mais ça m’arrive et là, le sujet m’interpelle. Tout comme ton article. Je le note donc dans un petit coin pour y penser. Merci !
    Tu as fait quoi comme service civique ?
    Bonne journée !

    Aimé par 1 personne

    1. Oui en effet ! Sans Babelio, je pense que je n’aurais probablement jamais entendu parler de ce livre x) Je ne lis pas beaucoup de non-fiction non plus, en tout cas pas cette dernière année (traumatisme dû au mémoire peut-être). Mais celui-ci est vraiment rapide à lire, c’est l’affaire de deux-trois heures, selon ton rythme de lecture ^^
      En tout cas, je te le recommande 😉
      J’étais ambassadrice du livre dans des écoles maternelle et élémentaire ! J’organisais des ateliers autour du livre avec les enfants de 3 à 10 ans pour développer leur goût de la lecture plaisir et les accompagner dans l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Un super service civique !
      Bonne journée 😉

      Aimé par 1 personne

      1. Merci pour la découverte et la recommandation en tout cas !
        Ça devait être génial comme SC ! La lecture, des enfants, ça a dû être très enrichissant. J’en ai fait un, portage en bibliothèque, et au niveau des rencontres humaines, ça a été extraordinaire.

        Aimé par 1 personne

      2. Tu amenais des livres à domicile, c’est ça ?
        Oui c’était vraiment très enrichissant, ils vont me manquer tous ces petits farfadets x) J’ai adoré voir l’évolution sur une année, surtout les CP, c’est impressionnant !

        Aimé par 1 personne

      3. Oui, c’est ça. Des personnes âgées, handicapées, temporairement ou durablement incapables d’aller à la bibliothèque par elles-mêmes. Et du coup, on parlait souvent beaucoup, elles me parlaient d’elles, me racontaient leur vie, leur jeunesse, j’avais des personnes de tous horizons, c’était vraiment génial. Et je comprends qu’ils vont te manquer !

        Aimé par 1 personne

  2. Article au top, c’est une vraie fiche de lecture qui donne carrément envie. Ça ressemble beaucoup à un prolongement des travaux d’Arendt, du titre à ta critique, et ça m’intrigue beaucoup, il faudra que je pense à y jeter un œil ! Merci pour la découverte, même si ce n’est plus vraiment dans mon domaine d’étude, ça reste passionnant comme thème, et ô combien nécessaire !

    Aimé par 1 personne

    1. Merci 🙂
      Je connais très mal les travaux d’Hannah Arendt mais j’y jetterai un œil, je pense que si ça rejoint ces questions là, ça devrait beaucoup m’intéresser ! On l’avait abordé en esthétique en licence, mais ça date haha.
      Ce n’est plus vraiment ? Tu as fait de l’histoire de l’art aussi ? 🙂

      J’aime

      1. Pour Arendt, je faisais surtout référence à Crise de la culture, passionnant même si un peu complexe par moment. Y a beaucoup de réflexions sur la différence travail/art et la notion d’œuvres qui devraient te plaire, je pense 🙂

        Non, j’ai jamais fait d’histoire de l’art, mais en lettres, t’en fais forcément quand même ehe. Sinon, en 3e année de prépa littéraire, j’avais Art et technique en programme de philo, c’est sûrement là que j’ai fait le plus d’histoire de l’art, du coup. Et puis même côté littérature, toutes les réflexions romancées sur l’art sont hyper intéressantes en général (je pense surtout à Zola et son roman L’OEuvre 😍). Enfin bref, ça me passionne, mais je m’en suis éloigné avec mon Master (littérature comparée et mémoire plus technique que ça, sur la 2e moitié du XXe et le retour de la mode de la liste) et encore plus aujourd’hui où je passe l’agrégation, mais voilà, tout ça exige toujours une certaine curiosité sur l’art 👌

        Aimé par 1 personne

      2. Crise de la culture, je note ! Je crois qu’on en a étudié des passages en esthétique.
        Il aborde aussi la littérature dans son essai d’ailleurs, je ne sais pas si je l’ai dit. C’est vrai que dans les filières littéraires, il y a beaucoup de « passerelles », beaucoup de connexions se font entre les différentes formes artistiques et j’ai toujours trouvé ça passionnant ! Nous aussi, en histoire de l’art, on a souvent effectué des parallèles avec des œuvres littéraires 🙂
        Sacré sujet de mémoire ! Ça n’a pas dû être facile :/
        C’est important la curiosité ! Peu importe d’où l’on vient, ce que l’on a fait, l’art nous apporte à tous quelque chose 🙂

        J’aime

      3. Oui, les passerelles sont ce qu’il y a de plus passionnant dans les études je trouve, et ça manque beaucoup avant le secondaire où tout est souvent trop cloisonné. 🙄
        Pas un sujet facile, mais j’ai eu la chance de pouvoir le choisir et de le mener assez librement, donc je ne m’en plains pas, mon directeur était trop cool !

        On ne peut plus d’accord avec tes deux dernières phrases 🙂

        Aimé par 1 personne

      4. Je me souviens avoir eu au collège une prof qui aimait beaucoup faire des parallèles entre œuvres littéraires, films et peinture/sculpture. Elle était géniale cette prof ^^
        Mais c’est vrai que dans l’ensemble, ça reste trop souvent cloisonné.
        C’est chouette quand on est bien accompagné dans sa recherche. Ma directrice était top aussi 🙂

        J’aime

      5. Il y a de plus en plus de pluridisciplinaire dans les programmes depuis 10 ans et c’est tant mieux, mais je n’ai connu ça qu’à mon arrivée en 1eL et je trouve ça tellement tard pour le faire ! Tu as eu de la chance 🙂 y a pas photo, les profs qui pratiquent ce genre de passerelles sont toujours les plus appréciés !

        Un bon directeur, ça fait toute la différence 🙂 tu faisais sur quoi ton mémoire toi ?

        Aimé par 1 personne

      6. Oui je suis bien tombée 🙂
        Aaaah c’est le mot que je cherchais tout à l’heure ! Pluridisciplinaire haha. Ça se fait effectivement de plus en plus, c’est dommage que notre génération n’ait pas forcément eu cette chance. Mais tant que ça évolue dans ce sens et pas dans l’autre, c’est une bonne chose.
        J’en ai fait un sur la fondation Louis Vuitton et la mort des musées (haha) et un sur l’image de la femme et la construction de l’identité féminine dans la photographie de mode (j’ai travaillé sur les Vogue France publié entre 1949 et 1979) 🙂

        J’aime

      7. Oui, c’est le St Graal la pluridisciplinarité, c’était difficile à trouver dans nos études, mais c’est la base des EPI de la réforme du collège. C’est précipité et mal mis en place, mais ça a le mérite d’exister.
        Effectivement, sur la mort des musées, la lecture de Le Boulanger a dû te passionner 😂 Je ne connais pas trop l’univers de la mode, mais la construction de l’identité féminine, ça a dû être passionnant comme thème ! C’est large en plus, y a tant à creuser !

        Aimé par 1 personne

      8. Ça s’améliorera au fil des années je pense ! Un nouveau chantier éducatif et culturel 🙂
        Oui l’essai m’a vraiment rappelé un certain nombre de lectures que j’ai faites en M1 pour mon mémoire, notamment ce qui touche aux élites, à un monde de l’art fermé.
        Et effectivement, c’était un sujet passionnant ! Assez difficile par moments car traiter de la question du genre et de l’identité n’est pas chose aisée. Les écrits sont nombreux mais compliqués à lire et les opinions sont tellement divergentes ! Mais j’ai pris mon pied avec ce mémoire, c’était hyper enrichissant !

        J’aime

      9. Pour avoir lu Simone de Beauvoir, je ne peux qu’approuver la complexité de lecture et l’indigestion de certains textes (sans parler des visions non féministes parfois à vomir, bien sûr). Après, je vois bien en quoi c’est enrichissant et c’est un sujet vraiment cool 🙂

        Aimé par 1 personne

    1. Moi c’est quelque chose qui me fatigue énormément. Tous les jours on lit qu’un auteur, qu’un artiste, qu’un cinéaste s’est fait censurer, que son travail a été dégradé.. Au-delà des régimes totalitaires, beaucoup de personnes ont peur je crois de ce que l’art peut amener dans notre société. C’est vraiment dommage parce qu’il y a de plus en plus d’artistes engagés qui produisent des choses magnifiques, qui interpellent, qui appellent à une mixité culturelle, à faire preuve de tolérance et, au final, les expos sont démontées (voire détruites) parce que ça choque, parce que des vieux cons se plaignent, ça a choqué leur pauvre petite sensibilité… Pauvres bichons. Heureusement que ça ne reflète pas ce qu’il se passe dans le monde, hein –‘

      Aimé par 1 personne

      1. Ça me fait penser à l’attentat contre Charlie Hebdo. Certaines personnes clamaient que c’était bien fait, sauf qu’elles oublient que la caricature a beaucoup joué pour faire changer les choses, comme lors de la Révolution française…

        Aimé par 1 personne

      2. Exactement, aujourd’hui les médiums comme la caricature ou la photographie sont hyper utilisés pour montrer, pour nous faire ouvrir les yeux. Mais beaucoup ne veulent pas les ouvrir, tout simplement.

        Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire